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BIO

Almost blind person. I have severe myopia, with tubular vision.
All the art is made by me with the help of a magnifying glass.
I created dolphy.design to sell my art.
A bit more about me, in this interview, initially published on : sonneg.ca

Qui êtes-vous?

J’étais un vagabond. Voilà qui j’étais! Un vagabond! J’ai quitté la maison à 13 ans, j’ai pratiqué beaucoup de métiers plus ou moins honorables… Je suis George-Claudiu Olteanu, né en 1977, dans un quartier ouvrier du Sud de Bucarest. Aujourd’hui, je suis artiste peintre et je suis connu sous le surnom Dolphy.

Qu’est-ce que être un vagabond?

Un inadapté, une personne qui n’a rien à perdre, qui vit au jour le jour pour une liberté pour laquelle il doit parfois payer cher. Un vagabond est un homme libre, vivant d’après une philosophie propre.

Et que faites-vous en ce moment?

J’ai trouvé ma voie… je peins… Il existe quelques métiers qu’on peut pratiquer après avoir vécu beaucoup, par exemple, artiste peintre, psychologue, écrivain… ce sont des métiers qu’on peut faire après avoir compris la vie. Ce sont très peu ceux qui le font très tôt dans la vie ou peut-être que je dis cela parce que je parle de ma propre expérience… même si, toute ma vie, j’ai désiré peindre… m’exprimer d’une manière ou d’une autre…

Qu’est-ce qui vous a amené à la peinture?

C’était un rêve d’enfant, peut-être aussi l’influence de ma grande sœur qui a étudié au Lycée d’art Nicolae Tonitza, à Bucarest et, à ce moment-là, j’ai eu cette idée que je pourrais faire de la peinture mieux qu’elle. Mes professeurs me disaient que je voyais la couleur… ensuite, la vie m’a amené ailleurs et je suis venu en France pour me redécouvrir, retrouver mes rêves d’enfance et les réaliser, alors, c’est ce que je fais en ce moment.

Pourquoi la France?

Parce que la France a donné la chance à beaucoup d’hommes de culture de s’exprimer et même si ce n’est pas toujours facile, même si en France il n’est pas toujours facile quand tu t’appelles Olteanu, même au XXIe siècle, la France est le pays qui apprécie l’art, qui apprécie la culture et c’est la raison pour laquelle je vis aujourd’hui ici.

A quel moment avez-vous décidé de vous installer en France?

En 2016, j’habitais l’atelier d’un artiste peintre à Bucarest et j’avais commencé à dessiner et un ami m’a proposé de venir en France. Alors, j’ai décidé de le faire, me disant qu’un nouveau départ sera peut-être aussi un meilleur départ.

Aimeriez-vous détailler le chemin parcouru avant votre arrivée en France?

Pendant 12 ans, j’ai travaillé comme DJ dans un Club à Bucarest. J’avais besoin de me réinventer. Pendant un an, j’y ai réfléchi, je ne savais pas exactement quel chemin prendre et la rencontre avec cet ami a été décisive. J’avais besoin de cette rencontre pour prendre la décision. Et je suis venu en France avec 20 EUR dans mes poches, en faisant l’autostop.

Quels ont été les éléments qui ont déclenché cette réflexion?

Au moment où on réalise qu’on n’aime plus ce que l’on fait, une personne qui a la volonté de se comprendre et de changer, commence à faire cette réflexion, à se poser des questions. C’est ce que j’ai fait. Je crois que je l’ai fait toute ma vie. J’ai, par exemple, renoncé à la drogue, parce que je n’aimais plus qui j’étais devenu. Pour évoluer, nous avons besoin de se réinventer. Comme dans Ainsi parlait Zarathoustra, pour devenir Surhomme, on passe par plusieurs étapes. Je crois aujourd’hui être arrivé à ce que je cherchais. Et je crois aussi que, plus tard, au moment où je vais perdre complétement la  vue, je vais écrire.

J’ai écrit. J’ai déjà écrit. A l’âge de 14 ans, j’écrivais de la poésie. Avec la peinture, j’avais ce besoin de vomir des émotions, des sentiments. J’avais un trop plein en moi et la peinture m’a toujours attiré. Il y a longtemps, je vivais à Bucarest, j’habitais dans un campus universitaire, je faisais de la peinture abstraite que je vendais ensuite pour avoir de l’argent pour vivre. C’était en 1998 environ. J’ai toujours eu quelque chose à dire. J’ai des histoires écrites, je considère que je m’exprime beaucoup mieux par les mots…

Alors, pourquoi la peinture et pas l’écriture?

Je crois que c’est une lutte en moi… Je suis déficient visuel, je perds la vue graduellement, je peins avec une loupe, à une distance de 10 cm, je vois seulement avec l’œil gauche. Mais je crois que c’est aussi le fait de se dire : Je peux! Si je le veux vraiment, je peux le faire! Enfin, tant que je le peux encore! Ce n’est pas l’idée de me démontrer à moi, c’est un mélange entre me le démontrer à moi et laisser quelque chose derrière soi.

Quelles sont vos sources d’inspiration?

Je vais le dire avec les mots de Pablo Picasso, que j’aime beaucoup : La peinture est un métier d’aveugle. Il ne peint pas ce qu’il voit, mais ce qu’il ressent, ce qu’il se dit à propos de ce qu’il a vu. Parfois, mes peintures commencent avec mon introspection de ce que je vois, de ce que je ressens, une partie sont psychanalytiques, une partie sont anarchiques, tout vient de moi.

Qu’est ce qui fait que vous êtes la personne que vous êtes aujourd’hui?

La souffrance. A part le fait que mon quotient intellectuel à l’âge de 10 ans était de 165, je n’aurais pas été rendu où je suis si j’avais suivi le parcours dessiné par la société, si je n’avais pas décidé de prendre d’autres chemins, si je n’avais pas quitté l’école, par exemple…

Vous avez quitté l’école à quel âge?

J’étais en 6e année  et, ensuite, j’ai continué à passer des examens sans participer aux cours. J’ai quitté l’école au même moment où j’ai quitté la famille. J’ai décidé que j’allais faire ma vie à ma manière.

Comment vit un enfant de 13 ans tout seul, comment fait-il sa vie tout seul?

Quand on est un enfant surdoué, on pense différemment, on sent différemment et j’ai décidé que je pouvais vivre seul, que je pouvais faire ma vie.

Qu’avez-vous fait à 13 ans pour vivre?

Un peu de tout. J’ai pris de la drogue, vendu des journaux, lavé des voitures…

J’habitais dans des trains, à la Gare du Nord à Bucarest, j’ai vécu dans la rue… jusqu’à l’âge de 16-17 ans, quand j’ai loué une mansarde… je lisais… j’ai toujours aimé lire, j’avais un autre rythme de vie…

On pouvait louer une mansarde à 16 ans, à Bucarest?

Oui, c’était possible. C’est à cette époque-là que j’ai commencé à écrire pour un journal, des reportages sociaux, j’avais une vie de bohème. En 1996, j’ai participé à un concours et j’ai obtenu le poste contre 200 autres  participants; j’ai commencé à travailler avec le journal Tineretul liber (La jeunesse libre). Je me souviens, j’avais écrit cet article-là la nuit, à la main, dans un campus universitaire. Ensuite, pendant 5 ans, j’ai été dépendant d’héroïne. Ce fut à la suite d’une rupture amoureuse, une sorte de suicide lent. Après deux surdoses, à un moment donné, j’ai eu une révélation, j’ai réalisé que j’étais devenu une personne qui n’était pas moi, que je ne voulais pas être cette personne-là et, une nuit, j’étais à l’église de Densus, qui se trouve dans un petit village en Roumanie, et j’ai décidé de renoncer et, depuis ce moment-là, je n’y ai plus jamais touché. J’ai alors commencé à mettre de la musique dans le club d’un ami et ensuite je suis venu en France.

Vous avez mentionné avoir beaucoup lu. Est-ce qu’il y a des auteurs qui vous ont influencé dans la prise de décisions?

Non. J’ai pris mes propres décisions. Mais j’ai beaucoup aimé lire de la psychologie, de la philosophie, de la littérature universelle, Dostoïevski, j’ai beaucoup aimé lire Henri Miller, Bukowski, mes lectures étaient chaotiques. J’avais environ 400 volumes à un moment donné… quand j’ai déménagé, je les ai vendus.

Alors, une fois en France…

Arrivé en France, j’ai habité un temps chez mon ami, ensuite, j’ai habité dans différents asiles par la Croix Rouge et c’est là que j’ai commencé à faire de la peinture. J’ai encore une de ces premières toiles, que j’ai nommée Cauchemar.

Ensuite, je me suis inscrit à des cours de français et j’ai habité un certain temps en collocation et, depuis 2018, j’habite dans un HLM. J’ai suivi des cours de cannage-paillage dans une école spécialisé, l’Institut des jeunes aveugles et, quatre ans plus tard, j’ai obtenu le diplôme. En ce moment, je continue à faire du cannage-paillage et de la peinture.

Le mois de mai, j’aurai une exposition au Centre culturel Soupetard, à Toulouse. Je peux dire aujourd’hui que j’ai trouvé ma voie. Toute cette période en France a été formatrice. Je sais qui je suis devenu et, où que je serai dans le monde, je sais ce que je vais faire. J’ai été honoré par la proposition du Centre culturel et l’exposition qui aura lieu en mai sera ma première en tant qu’artiste peintre.

Que signifie pour vous cette exposition?

Un début. La reconnaissance. De la part de la société.

Avez-vous un message à transmettre à la société?

Bien-sûr. Transmettre des émotions, des sentiments…

Non seulement vous voulez exprimer vos propres sentiments, mais vous voulez faire ressentir…

Je crois que c’est aussi une partie d’égoïsme ici, je peins mes émotions. Mais je ne peux pas savoir si celui qui regarde ressent ou non, s’il va avoir ou non une révélation. Mais le fait que mes tableaux se vendent déjà un peu partout dans le monde, en France, aux États-Unis, en Autriche, en Roumanie, Luxembourg, Canada…  me fait croire que oui, l’expression de mes émotions touche aussi les autres. Je crois avoir éveillé des émotions aussi chez l’autre.

Est-ce important d’arriver à toucher le cœur des gens?

Il existe cette expression : ‘’Dieu vous donne, mais il ne le met pas dans votre sac’’. Il va y avoir des gens qui vont ressentir une émotion ou plusieurs, d’autres qui ne vont rien ressentir. Je n’ai pas l’intention de libérer qui que ce soit. Les humains se libèrent eux-mêmes. Mon but est de m’expliquer à moi-même, de m’exprimer. J’aimerais que les gens puissent sentir et comprendre ce que je veux exprimer, mais une certaine ascension n’est pas pour tous. Si 10 personnes sur 200 arrivent à sentir, ressentir, comprendre, cela me rend heureux.

Qu’est-ce que l’art pour vous?

Un besoin, un besoin d’exprimer ses sentiments. J’ai un besoin d’exprimer, que ce soit par l’écriture, par la musique, par la peinture, j’ai un besoin d’exprimer, de m’exprimer.

A part les reportages sociaux, avez-vous essayé d’autres types d’écrits?

J’ai écrit un recueil de nouvelles non publié où, dans une nouvelle qui s’appelle Histoires heroïnhumaines, je raconte ma rencontre avec Dieu, le moment où j’ai décidé d’arrêter la drogue.

Pourquoi avez-vous senti le besoin d’écrire sur ce sujet?

Le besoin de me débarrasser de certains sentiments. Je n’arriverai probablement pas le Surhomme de Nietzsche du Ainsi parlait Zarathoustra, mais, pour arriver à Dieu, on a besoin de danser avec le Diable. Le moment où tu as réussi à sortir de cette danse, il reste peu de choses ensuite qui pourraient t’arrêter d’arriver à Dieu. C’est un besoin spirituel. D’arriver plus haut, plus haut, au plus près des pieds de Dieu.

Est-ce que l’écrit est aussi un besoin de comprendre? Pourquoi écrire?

Parce qu’au commencement, c’était le mot. Parce que le mot est créateur. Un besoin de créer. Ultimement, c’est le besoin d’arriver près de Dieu, de devenir meilleur. Si je n’avais pas écrit, je serais peut-être devenu fou. J’avais un besoin impérieux de m’exprimer, un purgatoire. L’écrit, la peinture m’aide à continuer à vivre.

Et même si vous ne les avez pas publiés, ces textes-là étaient pour vous libérateurs, même si personne d’autre que vous ne les a lus… À partir du moment où vous les avez vus sur le papier…

À partir de ce moment- là, j’ai pu continuer. Mais elles ont été lues par d’autres personnes. Seulement, cela n’a pas autant d’importance, si elles étaient ou non publiées, lu ou non par d’autres personnes. Mais c’était important pour moi de les écrire. J’avais ce besoin. C’est aussi une sorte d’égoïsme encore. Car je ne le fais pas pour les autres, mais par un besoin personnel de les exprimer. J’ai un tableau qui s’appelle la Renaissance du Surmoi, dans lequel c’est moi. Ma propre renaissance. Tous mes tableaux parlent de ma vie.

En même temps, vous dites avoir aussi ce besoin d’une reconnaissance sociale, d’où l’exposition le mois de mai, cette année…

Ceci fait partie de l’orgueil du créateur. Même Dieu a besoin d’un merci.

Vous êtes croyant, vous croyez en Dieu…

Je crois.

Qu’est-ce que Dieu pour vous?


Tout. On ne peut pas l’expliquer. Il faut le sentir. Comment l’expliquer? Il est tout. J’ai déjà pensé à cela. Mettre Dieu sur une toile. Mais comment? Quand il est tout, et la toile, et la couleur et le pinceau?!

Avez-vous déjà pensé à vivre ailleurs qu’en France?

J’aime beaucoup Menton, donc, toujours en France, je vais, peut-être, un jour déménager dans cette petite ville, à la frontière franco-italienne, au bord de la Méditerranée.

Qu’est-ce que être égoïste?

Le bien fait aux autres est aussi un égoïsme. Quand je fais un don, par exemple, je me sens bien, je le fais pour me sentir bien. L’aide que j’offre est un égoïsme. Même si je donne, par exemple, un montant d’argent et il ne me reste pas assez pour vivre pour un certain temps, je me sens bien en sachant que j’ai fait un bien à quelqu’un.

L’égoïsme, c’est faire le bien?

Oui, c’est le bien suprême. J’aimerais, par exemple, donner toujours au moins la moitié de tous ce que je gagne en vendant mes tableaux.

Le beau?

Le beau, c’est sentiment.

L’inconnu?

Dieu.

L’inoubliable?

Il y a longtemps, j’avais trouvé une chienne Chihuahua, elle était enceinte et, parce que je vivais, à l’époque, dans des clubs, j’ai dû la laisser et je n’oublierai jamais ses hurlements quand je l’ai quittée. Je n’oublierai jamais. Elle pleurait après moi. Mais cela est aussi une sorte d’amour, de quitter quelqu’un pour lui faire le bien. Aimer, mais sachant que je ne pouvais pas lui faire du bien si je la garde avec moi, je l’ai donné à quelqu’un qui pouvait prendre soin d’elle…

Merci, Dolphy!

Au plaisir!

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